La corrida (mot espagnol, de correr : courir) est une forme de course de taureaux consistant en un combat à l’issue duquel le taureau est mis à mort. Elle est pratiquée essentiellement en Espagne, au Portugal, dans le Midi de la France, dans certains États d’Amérique latine (Mexique, Pérou, Colombie, Venezuela, Équateur et Bolivie).
La corrida commence par un défilé de tous les participants : le paseo (ou paseíllo). À l’heure prévue, le président présente un mouchoir blanc ; aux accents d’un paso doble le cortège s’ébranle, précédé par les alguaziles (ou alguacilillos). Viennent au premier rang les trois matadors, classés par ordre d’ancienneté : à gauche (dans le sens de la marche) le plus ancien, à droite le deuxième d’ancienneté, au milieu le moins ancien. Si un torero se présente pour la première fois dans la « plaza », il avance tête nue, sinon il est coiffé du chapeau traditionnel la « montera ». Derrière suivent les peones, également classés par ancienneté, puis les picadors, eux aussi classés selon l’ancienneté.
Viennent ensuite les areneros ou monosabios, employés des arènes qui ont pour fonction de remettre en état la piste entre deux taureaux.
Vient enfin le train d’arrastre, attelage de mules chargé de traîner la dépouille du taureau hors de l’arène.
Puis vient l’heure du combat, en espagnol « lidia ».Une corrida formelle comprend en principe la lidia de six taureaux. Pour chacun d’entre eux, la lidia se déroule selon un protocole immuable. Ce protocole est décomposé en trois parties, appelées tercios
Après la sortie du taureau, le matador ou le torero (non confirmé encore), et ses peones effectuent des passes de cape (capote en espagnol), pièce de toile généralement de couleur lie de vin à l’extérieur et jaune (ou bleu azur) à l’intérieur, qui sert de leurre. Ces premières passes de capote permettent au matador d’évaluer le comportement du taureau : corne maitresse, manière de charger, course, etc.
Pour aider leur chef de cuadrilla à évaluer le comportement du taureau, les peones appellent celui-ci à tour de rôle et l’attirent vers les différents points de l’arène, l’incitant à aller au bout de sa charge. Puis le matador effectue lui-même quelques passes de capote afin de compléter son étude du taureau.
Il existe une multitude de passes de capote. La plus fréquente, la plus simple et généralement considérée comme la plus belle, est la véronique (espagnol : veronica) dans laquelle le torero présente le capote tenu à deux mains, face au taureau, en faisant un geste similaire à celui que, selon l’imagerie traditionnelle, fit sainte Véronique en essuyant le visage du Christ en route pour le Calvaire. Il existe également la demi-véronique (espagnol : media-veronica) inventée par Juan Belmonte (qui prétendit un jour l’avoir créée « car j’avais la flemme de faire l’autre moitié »[6]), la chicuelina (inventée par « Chicuelo »), la gaonera (inventée par Rodolfo Gaona), la mariposa (« papillon »)[
Autrefois, le picador était le principal héros de la corrida, le plus attendu des toreros ; les toreros à pied n’étaient que ses aides. Ce n’est que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle qu’il a commencé à perdre sa suprématie, pour devenir au milieu du XIXe un subalterne du matador.
Le rôle du picador est de tester la bravoure du taureau à l’aide de sa pique, lance en bois de hêtre de 2,60 mètres de long terminée par une pointe d’acier : la puya.
En principe, il est appliqué deux piques minimum (il n’y a pas de maximum), mais en cas de taureau faible, le président peut réduire ce nombre à une seule. Lorsque par chance, le taureau fait preuve d’une bravoure exceptionnelle, une pique supplémentaire est parfois donnée avec le regatón : le picador prend sa pique à l’envers, et « pique » avec l’extrémité du manche, le regatón, et non avec la puya[
Le deuxième tercio consiste à poser les banderilles (espagnol : banderillas), bâtons d’environ 80 cm de long, terminés par un harpon de 4 cm de long et recouverts de papier de couleur.
Les banderilles sont généralement posées par les peones , mais certains matadors ou certains novilleros les posent eux-mêmes.
En principe, il est posé trois paires de banderilles. Toutefois, le président de la course peut décider d’en réduire le nombre ; le matador peut demander au président l’autorisation que soit posée une quatrième.
Dans le cas d’un taureau franchement « manso » (sans bravoure), en particulier un taureau qui a refusé toutes les piques et a fui les appels faits à la cape, le président peut décider de lui faire poser des banderilles noires, dont le harpon est légèrement plus long et qui sont une marque « d’infamie »[
Troisième tercio : le tercio de mise à mort La faena de muleta est le travail à pied du matador à l’aide d’un leurre en tissu rouge, la muleta. La faena de muleta prépare le taureau à la mort.
Faena de muleta : À l’origine, la faena de muleta se limitait à quatre ou cinq passes ; aujourd’hui, le matador qui en ferait si peu déclencherait une énorme bronca. Tout comme celles de capote, les passes de muleta sont innombrables. Les principales sont les suivantes :
La « naturelle » (espagnol : natural). La muleta est tenue dans la main gauche, le taureau chargeant depuis la droite du matador.
La « passe de poitrine » (espagnol : pase de pecho ou tout simplement pecho). La muleta est tenue dans la main gauche, le taureau chargeant depuis la gauche du matador.
Le « derechazo » (mot espagnol signifiant « de la droite »). La muleta est tenue dans la main droite et agrandie à l’aide de l’épée tenue elle aussi dans la main droite, le taureau arrivant de la gauche du matador. C’est donc, en quelque sorte, une « naturelle à l’envers ».
Parmi les éléments qui permettront d’évaluer le spectacle on trouve traditionnellement :
Le courage de l’homme : le matador prend des risques et doit affronter sans fléchir un animal dont la force est considérable, même si le combat et les picadors ont affaibli – dans une certaine mesure – le taureau.
La bravoure de l’animal : le taureau de combat appartient à une espèce spécialement sélectionnée pour son agressivité et pour sa bravoure ; sa charge et sa volonté de combattre tout adversaire sont appréciées.
L’autorité de l’homme sur l’animal : les aficionados apprécient la capacité du matador à dicter sa volonté au taureau en lui imposant ses charges et en l’amenant à suivre aveuglément le leurre.
L’élégance : les passes de capote et de muleta sont des mouvements très codifiés ; pour les aficionados, leur ensemble constitue une véritable oeuvre d’art.
L’efficacité : une mise à mort « approximative » peut facilement dégrader un spectacle par ailleurs bien mené. Il faut toutefois préciser que, comme dans bien d’autres domaines, la manière compte plus que le résultat. Une tentative d’estocade sincère, faite en respectant les canons, mais ratée car la pointe de l’épée a buté sur l’omoplate, sera applaudie ; une épée pénétrant jusqu’à la garde à la suite d’une estocade faite en violation de tous les principes sera condamnée
La « passe de poitrine de la droite ». De même que le derechazo est une « naturelle à l’envers », la passe de poitrine de la droite est une « passe de poitrine à l’envers ».
Si la prestation du matador a été fort peu appréciée, elle peut entraîner une bronca : les spectateurs mécontents crient, sifflent, et il peut même arriver que certains jettent des bouteilles sur la piste. (Un tel geste est largement condamné par les aficionados.) Parfois la réaction est pire pour le matador que la plus forte des broncas : le silence.
Si le taureau a été exceptionnellement bon, le président pourra lui accorder à lui aussi une vuelta al ruedo en présentant un mouchoir bleu. Et s’il a été plus qu’exceptionnellement bon, le président pourra, avant l’estocade, ordonner sa grâce en présentant un mouchoir orange El indulto.
Quand le matador a fini de saluer, il ne reste plus au président qu’à sortir son mouchoir blanc afin d’ordonner l’entrée en piste du taureau suivant.